Le noyau de velours donne sa rondeur, les étamines éclaboussent et pistent l’auréole, les pétales se greffent et s’ajoutent
				pour des virgules qui s’empilent, leurs robes à fronces se plient le soir – la tige se ploie et protège la tête du priant, les
				feuilles pointues, agitées se garnissent de volants, les fleurs se fanent, la couronne éclate, les pétales préparent la mélodie.
				
Les cœurs balancent leurs notes sur des partitions fragiles, devenus signes graphiques, chahutent l’espace et tapissent le vide.
				
Les pages affolées accomplissent le miracle étourdies par la neuvième de Beethoven.
Judicaël - 2016
Muscle floral, qui ouvre peu à peu
				l’anémone au matin prairial,jusqu’à ce
				que la lumière polyphone
				des cieux musiciens s’épande dans son sein;
				
				tendu dans la paix de la fleur-étoile,
				ô muscle du recevoir infini,
				accablé tellement parfois de plénitude,
				que c’est tout juste si le signe du couchant
				
				peut ramener à toi le bord de tes pétales
				jetés en large épanouissement :
				toi, vouloir et vertu de mondes, oh ! combien !
				
				nous durons plus longtemps, nous autres, les violents.
				Mais quand donc, et dans quelle existence entre toutes,
				ouverts enfin le sommes-nous, et recevants ?
Les sonnets à Orphée - Rilke
 
             
             
            Comme le dernier vert dans les pots de couleurs
					telles sont ses feuilles : sèches, rugueuses, émoussées,
					derrière les ombelles de fleurs, dont le bleu
					n'est pas d'elles, mais le reflet d'un bleu lointain.
Elles le reflètent épars et imprécis
					comme si elles voulaient le perdre de nouveau
					et comme sur les vieux papiers à lettres bleus
					il y a du jaune du gris, du violet en elles;
d'un tablier d'enfant le teint délavé,
					quelque chose qu'on ne porte plus, à quoi plus rien n'arrive :
					comme on ressent la brièveté d'une vie.
Pourtant tout à coup le bleu semble renaître
					dans une des ombelles et l'on perçoit
					un bleu émouvant se réjouir du vert.
Rilke
